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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Édifice de la Cour suprême du Canada

R. c. Mills

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Sommaire de la Cause

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La personne qui a des conversations de nature sexuelle en ligne avec un enfant qui lui est inconnu ne peut s’attendre à ce que la police n’en prenne pas connaissance, selon la Cour suprême.

En 2012, un policier a créé de faux comptes Facebook et Hotmail en se faisant passer pour « Leann », une fille de 14 ans. M. Mills a communiqué avec « Leann ». Il était âgé de 32 ans, mais prétendait en avoir 23. Au cours des deux mois suivants, il a envoyé à « Leann » plusieurs messages et courriels, notamment une photo de son pénis. Le policier a utilisé un logiciel pour prendre des captures d’écran de toutes les communications. Après un certain temps, M. Mills a demandé à « Leann » de la rencontrer dans un parc public. Il a été arrêté et accusé de leurre d’enfant. Le leurre est un crime qui consiste à parler en ligne (ou à l’aide d’un téléphone cellulaire) à une personne qui n’a pas atteint l’âge fixé afin de tenter de profiter d’elle dans un but sexuel.

Pendant son procès, M. Mills a soutenu que la police n’était pas autorisée à mener l’opération d’infiltration qui a mené à son arrestation. Selon lui, la police avait besoin d’obtenir la permission d’un juge. Il a affirmé que son droit à la vie privée protégé par la Charte avait été violé parce que la police n’avait pas obtenu de permission. Il a fait valoir qu’en raison de cette violation, la preuve ne devrait pas être admise en cour, ce qui voudrait dire que ses conversations avec « Leann » ne pourraient pas être examinées.

Les droits au respect de la vie privée se trouvent à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte fait partie de la Constitution du Canada. L’article 8 prévoit que « chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives »; cela veut dire que l’État ne peut effectuer de fouille ou de perquisition ou prendre quelque chose sans permission. Pour établir qu’il y a eu violation des droits au respect de la vie privée, la personne doit prouver qu’elle aurait dû pouvoir s’attendre à ce que quelque chose demeure privé. C’est ce qu’on appelle une « attente raisonnable au respect de la vie privée ». Cette attente est en partie subjective (c’est-à-dire que la personne pense réellement que la chose en question devrait demeurer privée), et en partie objective (c’est-à-dire que la plupart des gens seraient d’avis que la chose devrait être privée). L’État peut quand même effectuer une fouille ou une perquisition dans une chose à l’égard de laquelle une personne a une attente raisonnable au respect de la vie privée ou prendre une telle chose, mais il doit avoir une permission. La permission peut être obtenue auprès d’un juge (comme un mandat), et elle peut aussi être accordée lorsque la loi le prévoit directement.

Dans la présente affaire, la police a soutenu qu’il n’était pas raisonnable que M. Mills s’attende à ce que ses conversations avec « Leann » demeurent privées. Selon elle, il n’était pas nécessaire d’obtenir la permission pour mener l’opération d’infiltration ou pour prendre des captures d’écran des conversations.

Le juge du procès était d’accord avec M. Mills pour dire que la police aurait dû obtenir la permission du juge pour faire certaines choses. Le juge a dit qu’il était acceptable que le policier se faisant passer pour « Leann » ait enregistré leurs conversations sur Facebook et Hotmail. Mais l’utilisation d’un logiciel pour sauvegarder des captures d’écran de la conversation était une démarche supplémentaire. La police aurait dû obtenir une permission pour faire cela. Cependant, le juge était d’avis que la preuve aurait dû être admise quand même, et M. Mills a été déclaré coupable. Selon la Cour d’appel, la police n’avait pas besoin de la permission d’un juge. Elle a affirmé que M. Mills ne pouvait pas s’attendre au respect de sa vie privée lorsqu’il communiquait avec une enfant qui lui était inconnue.

Tous les juges de la Cour suprême étaient d’avis que M. Mills devrait être déclaré coupable.

Les juges majoritaires ont affirmé que M. Mills n’avait pas d’attente raisonnable au respect de sa vie privée. Il ne pouvait pas s’attendre à ce que ses messages demeurent privés lorsqu’il communiquait avec une enfant qu’il ne connaissait pas. (S’il connaissait l’enfant, les conversations auraient pu demeurer privées.) Dans la présente affaire, la police était certaine que M. Mills ne connaissait pas « Leann », puisqu’elle l’avait inventée. Cela signifiait que la violation du droit à la vie privée était impossible. Il n’y avait aucune raison pour laquelle un juge ne pouvait pas examiner les messages que M. Mills a envoyés à « Leann » afin de décider s’il était coupable. La présente affaire porte sur les messages en ligne, mais les juges majoritaires ont affirmé que les messages textes devraient être traités de la même façon lorsqu’il est question des droits à la vie privée.

Tous les juges de la Cour suprême étaient d’accord pour dire que les tribunaux ne devraient pas seulement se demander si quelque chose est réellement privé. (Ce n’est pas parce qu’une chose est exposée qu’elle n’est plus privée.) Ils devraient plutôt se demander à l’égard de quoi une personne devrait pouvoir s’attendre au respect de sa vie privée dans notre société. La plupart des juges ont reconnu qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que ce type de conversation demeure privée.

La Cour a rendu récemment des décisions dans deux autres affaires portant sur les droits au respect de la vie privée : R. c. Reeves en décembre 2018 et R. c. Jarvis en février 2019. Elle s’est aussi prononcée dans une autre affaire de leurre d’enfants, R. c. Morrison, en mars 2019.

Date de modification : 2025-03-10