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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Édifice de la Cour suprême du Canada

West Fraser Mills Ltd. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal)

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Sommaire de la Cause

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La Cour suprême confirme l’amende infligée à une entreprise de foresterie tenue responsable de la mort accidentelle d’un travailleur forestier.

En 2010, West Fraser Mills a retenu les services d’un entrepreneur indépendant pour abattre des « arbres pièges » et faire diminuer ainsi la population d’insectes sur sa propriété. (Un « arbre piège » est un arbre mort utilisé pour attirer les insectes nuisibles; il est ensuite abattu, puis détruit.) L’entrepreneur a à son tour embauché un abatteur d’arbres pour accomplir le travail. L’abatteur rendait compte à l’entrepreneur et travaillait sous sa surveillance. Il a succombé aux blessures infligées par la chute d’un arbre pendant les travaux. L’enquête a révélé qu’il s’agissait d’un arbre dangereux qui aurait dû être abattu au préalable.

À l’instar d’autres provinces, la Colombie‑Britannique s’est dotée d’un régime d’indemnisation des accidentés du travail pour prévenir les accidents et les décès au travail et prendre des mesures en la matière. La loi intitulée Workers Compensation Act confère à l’organisme britanno‑colombien appelé Workers’ Compensation Board (« Commission ») de vastes pouvoirs lui permettant d’établir des règles pour assurer la sécurité au travail. Les différents intéressés, dont le « propriétaire » et l’« employeur », ont des obligations différentes.

Dans cette affaire, la Commission a estimé que West Fraser Mills avait omis, à titre de « propriétaire », de faire en sorte que les pratiques de travail soient sécuritaires. De ce fait, l’entreprise avait contrevenu au règlement sur la sécurité au travail adopté par la Commission. Cette dernière a également conclu que l’entreprise était un employeur, même si elle n’était pas celui de l’abatteur. La loi prévoit que seul un « employeur » peut être condamné à une amende. La Commission a infligé à West Fraser Mills une amende de 75 000 $.

West Fraser Mills a interjeté appel devant le tribunal administratif appelé Workers’ Compensation Appeal Tribunal. Elle a soutenu que la loi ne permettait pas à la Commission d’adopter le règlement en cause visant les propriétaires de lieux de travail. La Commission ne pouvait donc pas conclure que les actes fautifs du propriétaire justifiaient sa condamnation à une amende. West Fraser Mills a par ailleurs fait valoir que rien ne justifiait qu’elle soit condamnée à une amende puisqu’elle n’était pas l’employeur de l’abatteur et que seul un employeur était passible d’une amende. Le tribunal administratif a rejeté les arguments, mais il a réduit le montant de l’amende en raison des bons antécédents de l’entreprise en matière de sécurité et parce qu’il n’y avait pas eu inobservation délibérée des normes de sécurité. La Cour suprême et la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique ont confirmé la décision.

Au nom des juges majoritaires de la Cour suprême du Canada, l’ex-juge en chef Beverley McLachlin a confirmé la décision du tribunal administratif et l’amende. Selon elle, la Commission a agi raisonnablement en adoptant un règlement pour donner suite à l’augmentation du nombre de décès dans le secteur forestier. Elle a estimé que la Commission pouvait interpréter la loi de manière à favoriser au mieux l’objectif de promouvoir la sécurité, notamment en adoptant un règlement qui vise les propriétaires. Une approche plus restrictive aurait miné cet objectif. Enfin, elle a conclu que la Commission avait le pouvoir d’infliger l’amende, entre autres parce que West Fraser Mills embauchait des personnes pour travailler dans le lieu de travail. Cinq juges se sont ralliés à son opinion.

Dissidente, la juge Suzanne Côté aurait accueilli l’appel de West Fraser Mills. À son avis, la Commission n’avait pas le pouvoir d’adopter le règlement ou d’imposer une amende qui ne s’applique qu’à l’employeur à une entreprise qui avait seulement manqué à ses obligations à titre de propriétaire.

Les juges Russell Brown et Malcolm Rowe, également dissidents, ont chacun rédigé des motifs distincts. Ils ont convenu avec les juges majoritaires que la Commission avait le pouvoir d’adopter le règlement, mais ils auraient accueilli l’appel relatif à l’amende, pour les motifs invoqués par la juge Côté.

La question soulevée dans cette affaire était celle du contrôle judiciaire de la décision d’un tribunal administratif. L’arrêt confirme qu’une cour de justice doit généralement faire preuve de déférence envers un organisme administratif (comme la Commission) qui est investi d’un large pouvoir d’adopter des règlements.

Date de modification : 2018-05-18