Rapport du Comité indépendant pour la sélection des décisions les plus pertinentes rendues par la Cour suprême du Canada avant 1970
Le 6 juin 2025
Madame Chantal Carbonneau
Registraire
Cour suprême du Canada
301, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0J1
Objet : Rapport du Comité indépendant pour la sélection des décisions les plus pertinentes rendues par la Cour suprême du Canada avant 1970
Chère madame Carbonneau,
Il nous fait plaisir de vous présenter le rapport du Comité indépendant pour la sélection des décisions les plus pertinentes rendues par la Cour suprême du Canada avant 1970 (le Comité). Ce rapport se divise en deux parties : la première décrit le mandat du Comité, tandis que la seconde présente vingt-quatre décisions importantes de la Cour suprême qui, selon le Comité, devraient être traduites en priorité.
Sur cette page
1. La description du mandat du Comité
La Cour suprême du Canada (CSC) peut s’enorgueillir d’être considérée comme l’une des cours de dernière instance les plus transparentes et accessibles au monde. Le bilinguisme et le bijuridisme sont au coeur même de son identité. Les Canadiennes et les Canadiens peuvent présenter leurs arguments devant elle dans la langue officielle de leur choix. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.), en 1970, la CSC rend les versions officielles de ses décisions simultanément dans les deux langues officielles.
Cependant, entre 1877 et 1970, la CSC a rendu environ 6 000 décisions qui n’ont pas été traduites. Certaines étaient rédigées en français, certaines en anglais, et d’autres, en partie en français et en partie en anglais. L’absence de traduction de ces décisions a fait l’objet d’un débat public. À l’occasion de son 150e anniversaire, le Bureau de la registraire a décidé d’entreprendre la traduction de certaines des décisions les plus pertinentes d’un point de vue jurisprudentiel rendues par la CSC avant 1970. Ces décisions seront ensuite accessibles en français et en anglais sur le site Web de la CSC.
À cette fin, la CSC a mis sur pied un comité indépendant, composé d’experts issus de différents milieux juridiques, chargé d’élaborer des critères et de sélectionner les décisions à traduire à court terme. Le Comité se compose des sept membres suivants :
- L’honorable Marshall Rothstein, ancien juge à la CSC ;
- L’honorable Clément Gascon, ancien juge à la CSC ;
- Teresa Donnelly, présidente de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et ancienne trésorière du Barreau de l’Ontario ;
- Catherine Claveau, bâtonnière du Québec (jusqu’au 1er juin 2025) ;
- Marie-Ève Sylvestre, doyenne et professeure titulaire à la Section de droit civil de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa ;
- Yan Campagnolo, vice-doyen et professeur titulaire à la Section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa ; et
- Francis Barragan, président-directeur général de l’Institut canadien d’information juridique (CanLII).
L’honorable Marshall Rothstein et l’honorable Clément Gascon assurent conjointement la présidence du Comité. Madame Teresa Donnelly agit à titre de secrétaire du Comité.
Le mandat du Comité se décline en trois phases :
- « Phase 1 : Élaborer une liste de critères afin de sélectionner les décisions rendues par la Cour suprême du Canada avant 1970 qui sont les plus pertinentes jurisprudentiellement pour le développement du droit contemporain ;
- Phase 2 : Sélectionner, en ordre d’importance, environ vingt (20) décisions rendues avant 1970, portant sur tous les domaines du droit, qui correspondent à ces critères ; et
- Phase 3 : Présenter un rapport écrit, colligeant les résultats des phases 1 et 2, au Bureau de la registraire au plus tard le 6 juin 2025. »
Le Comité a amorcé ses travaux le 23 janvier 2025. Des réunions ont ensuite eu lieu le 30 janvier, les 6 et 20 mars, le 14 avril, les 5 et 15 mai, ainsi que le 2 juin 2025. Chaque rencontre a duré environ une heure et les membres se sont tous engagés à préserver la confidentialité de leurs délibérations. La partie suivante de ce rapport présente une synthèse des résultats de ces délibérations.
2. La liste des décisions les plus pertinentes sur le plan jurisprudentiel rendues avant 1970
Tel que susmentionné, la CSC a rendu près de 6 000 décisions unilingues avant 1970. Le cadre de référence du mandat confié au Comité prévoyait, dans un premier temps, l’élaboration de critères permettant d’identifier les décisions « qui sont les plus pertinentes jurisprudentiellement pour le développement du droit contemporain » et, dans un second temps, la sélection d’environ vingt décisions « portant sur tous les domaines du droit qui correspondent à ces critères ». L’objectif principal consistait à identifier les décisions à privilégier pour les fins de traduction.
L’exercice s’est révélé exigeant. Le Comité devait identifier un nombre représentant le 0,33 % supérieur de l’ensemble de toutes les décisions rendues par la CSC avant 1970, et ce, dans un court délai, alors que ses membres travaillaient sur ce projet à temps partiel. Dans ces conditions, le Comité se devait d’adopter une méthode qui soit à la fois efficace, rigoureuse et objective afin de procéder à la sélection demandée. La première étape fut donc de s’entendre sur une méthode quantitative permettant de réduire le nombre de décisions à évaluer avant de procéder à une analyse qualitative de celles-ci.
D’emblée, le Comité a reconnu que les décisions de la CSC sont lues, analysées, appliquées et citées par des publics souvent variés et pour des raisons parfois différentes. Ce public cible peut être classé en six grandes catégories : les juges de la CSC ; les juges des cours d’appel et des tribunaux de première instance ; les décideurs administratifs ; les professionnels du droit ; les professeurs de droit et leurs étudiants ; et les autres membres du public, notamment les justiciables non représentés. Le Comité a donc entrepris, comme point de départ, d’identifier les décisions de la CSC rendues avant 1970 les plus pertinentes pour chacun de ces groupes à partir de données quantitatives sur les citations des décisions. À cette fin, le Comité a obtenu de différentes sources les six tableaux suivants :
- Tableau 1 — Les décisions antérieures à 1970 les plus citées par la CSC ;
- Tableau 2 — Les décisions antérieures à 1970 les plus citées par les cours d’appel et les tribunaux de première instance ;
- Tableau 3 — Les décisions antérieures à 1970 les plus citées par les décideurs administratifs ;
- Tableau 4 — Les décisions antérieures à 1970 les plus citées par les avocats ;
- Tableau 5 — Les décisions antérieures à 1970 les plus pertinentes pour l’enseignement du droit ; et
- Tableau 6 — Les décisions antérieures à 1970 les plus consultées par le public en général.
Les tableaux 1, 2 et 3 ont été fournis au Comité par CanLII. Les tableaux 1 et 2 ont été compilés le 11 mars 2025, et le tableau 3, le 1er avril 2025. Chacun de ces tableaux répertorie les cent décisions antérieures à 1970 les plus fréquemment citées respectivement par la CSC, par les cours d’appel et les tribunaux de première instance, ainsi que par les décideurs administratifs Note de bas de page 1. Ces tableaux fournissent des données fort utiles sur la valeur jurisprudentielle des anciennes décisions de la CSC.
Le tableau 4 a été fourni au Comité par le professeur Paul Warchuk de la Faculté de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick. Il repose sur des données que ce dernier a recueillies pour les fins d’un article intitulé « Do Pre-1970 Precedents Still Matter? An Empirical Analysis of Legal Submissions and Court Decisions », lequel a été retenu pour publication dans le volume 70 de la Revue de droit de McGill Note de bas de page 2. Ce tableau dresse une liste des cent décisions antérieures à 1970 les plus souvent citées par les avocats dans les mémoires déposés devant la CSC entre les mois d’avril 2009 et de septembre 2024. Cette liste est utile afin d’identifier les décisions pertinentes aux débats juridiques contemporains devant la CSC.
Le tableau 5 repose sur un sondage mené par la doyenne Marie-Ève Sylvestre et le vice-doyen Yan Campagnolo, de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Le sondage a été envoyé aux professeurs de l’Université d’Ottawa (sections de droit civil et de common law) et de l’Université de Moncton, ainsi qu’à tous les membres de l’Association des professeur-es de droit du Québec (soit les professeurs de droit des établissements suivants : l’Université Laval, l’Université de Sherbrooke, l’Université de Montréal, l’Université du Québec à Montréal, l’Université du Québec en Outaouais et l’Université McGill).
Le sondage s’est concentré uniquement sur ces huit facultés de droit en raison des contraintes de temps et compte tenu du fait que la plupart des décisions rendues avant 1970 ont été rédigées en anglais et doivent être traduites en français. Il était particulièrement important pour le Comité d’identifier les arrêts considérés comme les plus pertinents dans les établissements où l’enseignement du droit est dispensé en français. Le sondage, transmis aux professeurs de droit et administré en ligne, s’est déroulé du 20 au 28 mars 2025. Les professeurs devaient identifier un maximum de cinq décisions rendues par la CSC avant 1970 auxquelles ils font référence dans le cadre de leurs cours et qu’ils estiment importantes dans leur domaine de recherche. Au total, vingt-cinq réponses individuelles ont été recueillies et analysées à la suite de ce sondage Note de bas de page 3. Ces réponses couvraient un large éventail de domaines juridiques, notamment les délits, la responsabilité extracontractuelle, le droit des obligations contractuelles, le droit fiscal, le droit de la famille, le droit constitutionnel et le droit pénal. Le sondage a permis d’établir une liste préliminaire de 159 décisions. Le Comité a ensuite choisi d’exclure les décisions qui n’étaient mentionnées qu’une seule fois, compte tenu de leur faible représentativité. Vingt-trois décisions ont ainsi été retenues et incluses au tableau 5. Malgré le caractère restreint de l’échantillon qui a servi de fondement à cette liste, celle-ci fournit un éclairage sur les décisions d’importance qui sont toujours pertinentes à la formation juridique et donc susceptibles d’être lues par les étudiants en droit.
Le tableau 6 a été fourni au Comité par CanLII/Lexum. Il présente une liste des cent décisions antérieures à 1970 les plus consultées par le public sur le site Web de la CSC entre le mois d’octobre 2012 et le 31 décembre 2024 (il convient toutefois de noter que la CSC a retiré ses anciennes décisions de son site Web le 8 novembre 2024). Cette liste a permis au Comité d’identifier les décisions ayant suscité le plus d’intérêt en ligne, ce qui constitue un indicateur de leur pertinence pour les membres du public en général.
Le Comité précise qu’il n’a pas recueilli de données relatives aux citations des décisions anciennes de la CSC dans les revues juridiques et les livres de droit. Bien que ces sources eussent pu s’avérer utiles, aucune base de données ne permet de compiler ces informations de manière exhaustive et fiable. Par exemple, la base de données de CanLII contient seulement certains articles de revues juridiques et n’inclut aucun livre, car ces derniers sont généralement protégés par des droits d’auteur. En outre, CanLII a informé le Comité que la collecte de telles données présenterait des difficultés techniques importantes. Le Comité n’a donc pas été en mesure de procéder à un examen rigoureux des revues juridiques et des livres de droit pour les fins de son mandat.
Les résultats des six tableaux mentionnés ci-dessus ont été regroupés dans une liste « consolidée » des décisions Note de bas de page 4. Comme plusieurs décisions figuraient dans plus d’un tableau, la liste consolidée comprend un total de 373 décisions, ce qui représente 6,22 % de l’ensemble des décisions rendues par la CSC avant 1970. Le Comité a ensuite comparé les résultats des six tableaux afin d’identifier les décisions apparaissant dans plus d’un tableau. Cette approche repose sur l’hypothèse qu’une décision figurant dans plusieurs tableaux est selon toute vraisemblance plus pertinente, importante ou influente qu’une décision n’apparaissant qu’une seule fois. Cette approche a permis d’établir une liste de quatorze décisions d’une pertinence indéniable puisqu’elles figurent dans quatre, cinq ou six des tableaux. Ces quatorze décisions ont été divisées en trois groupes, en ordre d’importance, comme suit (un bref résumé de la portée de chaque décision apparait sous chaque intitulé) :
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Groupe 1 — Les décisions figurant dans les six tableaux (par ordre chronologique)
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Reference re Alberta Statutes, [1938] S.C.R. 100
[Anglais ; Fédéral ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1 à 6]- Cette décision traite de l’argument selon lequel les lois provinciales ne peuvent restreindre les libertés fondamentales telles que la liberté de presse et la liberté d’expression politique (décision relative à la « déclaration implicite des droits »).
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Saumur v. City of Quebec, [1953] 2 S.C.R. 299
[Français/Anglais ; Québec ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1 à 6]- Cette décision traite de l’argument selon lequel les lois locales et provinciales ne peuvent restreindre les libertés fondamentales telles que la liberté de religion et la liberté d’expression (décision relative à la « déclaration implicite des droits »).
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Boucher v. The Queen, [1955] S.C.R. 16
[Français/Anglais ; Québec ; droit criminel] [Figurant dans les tableaux 1 à 6]- Cette décision traite des obligations des procureurs de la Couronne dans le cadre d’une poursuite criminelle (ceux-ci exercent une fonction publique et doivent se comporter dignement et équitablement ; leur rôle « exclut toute notion de victoire ou de défaite » (aux pages 23 et 24 ; notre traduction).
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Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121
[Français/Anglais ; Québec ; droit public/privé] [Figurant dans les tableaux 1 à 6]- Cette décision établit que les titulaires d’une charge publique ne peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire ou à des fins inappropriées. Cette décision est reconnue comme l’un des arrêts les plus importants de la CSC en matière de primauté du droit (décision relative à la « déclaration implicite des droits »).
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Groupe 2 — Les décisions figurant dans cinq tableaux (par ordre chronologique)
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Reference re Validity of Section 5 (a) Dairy Industry Act, [1949] S.C.R. 1
[Français/Anglais ; Fédéral ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1, 2, 4, 5, 6]- Cette décision énonce la définition classique du champ d’application du droit criminel (à savoir, la loi doit établir une interdiction assortie d’une sanction pénale, dans un but public de nature criminelle, tel que la paix publique, l’ordre public, la sécurité, la santé ou la moralité).
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Switzman v. Elbling and A.G. of Quebec, [1957] S.C.R. 285
[Français/Anglais ; Québec ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1, 2, 4, 5, 6]- Cette décision traite de l’argument selon lequel les lois provinciales ne peuvent restreindre les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression et la liberté d’expression politique, qui sont essentielles dans un État démocratique (décision relative à la « déclaration implicite des droits »).
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Validity and Applicability of the Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] S.C.R. 529
[Français/Anglais ; Fédéral ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1, 2, 3, 4, 6]- Cette décision établit que les relations de travail relèvent principalement de la compétence provinciale, limitant ainsi la compétence fédérale en la matière aux industries relevant du palier fédéral.
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Beaver v. The Queen, [1957] S.C.R. 531
[Anglais ; Ontario ; droit criminel] [Figurant dans les tableaux 1, 2, 4, 5, 6]- Cette décision établit que, pour faire la preuve de la possession, la Couronne doit prouver à la fois le contrôle physique de la substance par l’accusé et sa connaissance concomitante subjective du caractère prohibé de la substance.
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Groupe 3 — Les décisions figurant dans quatre tableaux (par ordre chronologique)
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Spooner Oils Ltd. v. Turner Valley Gas Conservation, [1933] S.C.R. 629
[Anglais ; Alberta ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1 à 4]- Cette décision établit qu’une loi ne peut porter atteinte rétroactivement à des droits acquis sans une intention claire à cet effet.
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Thomson v. Minister of National Revenue, [1946] S.C.R. 209
[Anglais ; Fédéral ; droit public] [Figurant dans les tableaux 2, 3, 5, 6]- Cette décision établit qu’aux fins fiscales, la résidence au Canada doit être déterminée selon une analyse souple fondée sur les faits, en tenant compte des liens sociaux et économiques de l’individu plutôt qu’en se fondant strictement sur le nombre de jours passés au pays ; une personne peut ainsi être résidente de plus d’un pays à des fins fiscales.
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White v. The King, [1947] S.C.R. 268
[Anglais ; Ontario ; droit criminel] [Figurant dans les tableaux 1 à 4]- Cette décision établit des principes clés relatifs à l’appréciation de la crédibilité, reconnaît l’importance d’accorder une grande déférence au juge des faits en matière de crédibilité et précise le critère applicable en appel pour déterminer si un verdict d’acquittement doit être annulé.
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Johannesson v. Municipality of West St. Paul, [1952] 1 S.C.R. 292
[Anglais ; Manitoba ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1, 3, 4, 6]- Cette décision établit que le Parlement a compétence exclusive pour réglementer le domaine de l’aviation (confirmant que l’aéronautique est une matière d’intérêt national), y compris la détermination de l’emplacement des aérodromes.
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Alliance des professeurs catholiques de Montréal v. Quebec Labour Relations Board, [1953] 2 S.C.R. 140
[Français/Anglais ; Québec ; droit public] [Figurant dans les tableaux 1, 2, 4, 6]- Cette décision établit que tout tribunal quasi judiciaire a le devoir d’agir conformément aux principes de justice naturelle, même si la loi habilitante est silencieuse à cet égard, et qu’il faut un libellé législatif clair pour y déroger.
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O’Grady v. Sparling, [1960] S.C.R. 804
[Anglais ; Manitoba ; droit public/privé] [Figurant dans les tableaux 1 à 4]- Cette décision reconnaît que les lois fédérales et provinciales peuvent toutes deux être valides si elles visent des aspects différents d’un même sujet (par exemple, la négligence volontaire, d’une part, et involontaire, d’autre part) et se chevaucher pourvu qu’elles aient des objets constitutionnels distincts.
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Ces décisions ont fait l’objet d’une vérification afin de s’assurer qu’elles n’ont pas été infirmées par le Comité judiciaire du Conseil privé ou par la CSC et qu’elles conservent leur pertinence dans le cadre des débats juridiques contemporains. Le Comité n’a relevé aucun motif justifiant leur exclusion. Le Comité recommande donc que ces quatorze décisions soient traduites en priorité, en suivant l’ordre des groupes (soit les décisions du groupe 1, suivies de celles des groupes 2 et 3). Le Comité comprend que la CSC a déjà amorcé la traduction de la décision Roncarelli v. Duplessis, une décision phare figurant parmi les mieux classées dans les six tableaux.
Le Comité a ensuite évalué les décisions susceptibles de former un quatrième groupe. Il a ainsi été convenu d’ajouter à la liste des décisions sélectionnées pour fins de traduction les cinq premières décisions du tableau 1 (les décisions les plus citées par la CSC), du tableau 2 (les décisions les plus citées par les cours d’appel et les tribunaux de première instance), ainsi que du tableau 4 (les décisions les plus citées par les avocats), dans la mesure où elles ne figuraient pas déjà dans les groupes 1 à 3. Cette approche repose sur l’hypothèse selon laquelle un nombre élevé de citations constitue un indicateur fiable de la valeur jurisprudentielle (selon les juges) d’une décision ou de sa pertinence dans les débats juridiques actuels (selon les avocats). Cette approche a permis d’ajouter sept décisions additionnelles à la liste :
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Groupe 4 — Les cinq premières décisions figurant dans les tableaux 1, 2 et 4 qui ne sont pas incluses dans les groupes précédents (par ordre chronologique)
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Valin v. Langlois, (1879) 3 S.C.R. 1
[Français/Anglais ; Québec ; droit public] [No 5 dans le tableau 1]- Cette décision établit que les cours supérieures provinciales ont une compétence générale sur les questions relevant du droit fédéral et provincial et que le Parlement peut leur conférer compétence pour appliquer des lois fédérales (décision fondamentale relative à la compétence des cours supérieures provinciales).
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In re Provincial Fisheries, (1896) 26 S.C.R. 444
[Anglais ; Fédéral ; droit public] [No 1 dans le tableau 1 et figurant dans le tableau 2]- Cette décision délimite les compétences respectives du Parlement et des législatures provinciales en matière de voies navigables et de pêches.
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Raymond v. Township of Bosanquet, (1919) 59 S.C.R. 452
[Anglais ; Ontario ; droit public/privé] [No 1 dans le tableau 2 et figurant dans le tableau 3]- Cette décision traite du devoir de diligence applicable aux municipalités en matière de sécurité routière et précise des principes clés pour évaluer des éléments de preuve contradictoires en matière civile.
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Johnston v. Minister of National Revenue, [1948] S.C.R. 486
[Anglais ; fédéral ; droit public] [No 3 dans le tableau 2 et figurant dans le tableau 3]- Cette décision établit qu’en matière fiscale, les présomptions établies par le ministre du Revenu national sont réputées vraies ; il incombe en conséquence au contribuable de les « démolir » (il s’agit d’une exception à la règle générale relative à la charge de la preuve) (à la page 490 ; notre traduction).
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Attorney General of Nova Scotia v. Attorney General of Canada, [1951] S.C.R. 31
[Anglais ; Nouvelle-Écosse ; droit public] [No 3 dans le tableau 4 et figurant dans les tableaux 1 et 6]- Cette décision établit l’interdiction de l’inter-délégation législative (en conséquence, le Parlement ne peut déléguer son pouvoir législatif à une législature provinciale et vice versa).
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Wilson v. Swanson, [1956] S.C.R. 804
[Anglais ; Colombie-Britannique ; droit privé] [No 5 dans le tableau 2]- Cette décision établit la norme de diligence applicable aux professionnels de la santé : un spécialiste qui se présente comme possédant un niveau particulier de compétence dans son domaine doit faire preuve d’un niveau de compétence équivalent à celui d’un spécialiste moyen dans ce domaine.
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Colpits v. The Queen, [1965] S.C.R. 739
[Anglais ; Nouveau-Brunswick ; droit criminel] [No 3 dans le tableau 1 et figurant aussi dans les tableaux 2 et 4]- Cette décision établit que, dans le cadre d’un appel, il incombe à la Couronne de démontrer que la disposition réparatrice du Code criminel s’applique. Ainsi, pour empêcher l’annulation d’une déclaration de culpabilité en raison d’une erreur de droit, la Couronne doit établir que « le verdict aurait nécessairement été le même en l’absence de cette erreur » (à la page 744 ; notre traduction).
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Enfin, le Comité a demandé à CanLII de concevoir un dernier tableau afin de s’assurer qu’aucune décision particulièrement pertinente dans les débats juridiques actuels n’avait été omise. Le 30 avril 2025, le Comité a ainsi reçu un tableau recensant les décisions figurant dans le tableau 1 (les décisions pré-1970 les plus citées par la CSC) et dans le tableau 2 (les décisions les plus citées par les cours d’appel et les tribunaux de première instance) qui ont été les plus fréquemment citées depuis 2010 (les résultats ont été compilés à cette même date). À la suite d’une évaluation qualitative de ces décisions, le Comité a choisi d’ajouter trois décisions dans un cinquième groupe compte tenu de leur grande pertinence dans les débats contemporains :
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Groupe 5 — Les décisions particulièrement pertinentes aux débats contemporains et ne figurant pas dans les groupes précédents (par ordre chronologique)
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Boudreau v. The King, [1949] S.C.R. 262
[Anglais ; Québec ; droit criminel] [Longuement discutée par la CSC Note de bas de page 5 et figurant dans les tableaux 1 et 2 ainsi que dans le tableau 4]- Cette décision établit que les déclarations faites par un accusé à une personne en autorité ne sont admissibles en preuve que si elles ont été faites volontairement, sans contrainte ni incitation ; il incombe à la Couronne de prouver le caractère volontaire de la déclaration.
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Re the Farm Products Marketing Act, [1957] S.C.R. 198
[Anglais ; Fédéral ; droit public] [Fréquemment citée par la CSC Note de bas de page 6 et figurant dans le tableau 1 ainsi que dans le tableau 4]- Cette décision établit une présomption de constitutionnalité applicable dans le contexte de litiges portant sur le partage de compétence et illustre la complexité de déterminer la validité constitutionnelle d’une activité économique présentant à la fois des dimensions nationales et locales.
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Saint John Tug Boat Co. Ltd. v. Irving Refining Ltd., [1964] S.C.R. 614
[Anglais ; Nouveau-Brunswick ; droit privé] [Fréquemment citée par les tribunaux et figurant dans le tableau 2 ainsi que dans les tableaux 3 et 6]- Cette décision établit que l’existence d’un contrat peut être déduit de la conduite des parties lorsque l’une d’elle accepte sciemment des services ou des avantages sans s’y opposer ; le critère est objectif et la cour doit examiner « comment la conduite de chaque partie aurait été perçue par une personne raisonnable placée dans la même situation que l’autre partie » Note de bas de page 7.
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À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande que la CSC accorde la priorité à la traduction des vingt-quatre décisions énumérées ci-dessus (et reproduites en annexe). Sur le plan statistique, ces décisions se répartissent comme suit selon la langue de la décision, le ressort d’où provient l’appel et le domaine de droit visé :

Langue
70,83 % ont été rédigées uniquement en anglais ;
29,17 % ont été rédigées en partie en anglais et en partie en français ;
Aucune n’a été rédigée uniquement en français.

Ressort
29,17 % proviennent du ressort fédéral ;
29,17 % proviennent du Québec ;
12,50 % proviennent de l’Ontario ;
12,50 % proviennent des provinces maritimes (Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) ;
16,66 % proviennent des provinces de l’Ouest (Colombie-Britannique, Alberta et Manitoba).

Domaine de droit Note de bas de page 8
62,96 % relèvent du droit public (droit constitutionnel, droit administratif, droit municipal ou droit fiscal) ;
18,52 % relèvent du droit privé (délits et responsabilité extracontractuelle ou droit des obligations contractuelles) ;
18,52 % relèvent du droit criminel.
En conclusion, le Comité a cherché à recenser certaines des décisions les plus pertinentes rendues avant 1970 par la CSC aux fins de les traduire. Il reconnaît toutefois qu’un autre groupe de personnes, doté d’une expertise ou d’un point de vue différents, aurait pu établir une liste différente des décisions auxquelles il faudrait accorder la priorité. Plusieurs approches auraient été possibles dans le cadre de cet exercice. Par souci d’efficacité, de rigueur et d’objectivité, la démarche du Comité s’est principalement fondée sur une analyse quantitative, à laquelle s’est ajoutée une évaluation qualitative visant à s’assurer que les décisions recommandées conservent aujourd’hui leur pertinence. Le raisonnement du Comité s’est également appuyé sur la nécessité de garder à l’esprit les divers publics qui lisent, interprètent, utilisent et citent la jurisprudence de la CSC. Au regard du travail qu’il a effectué et de la méthodologie qu’il a suivie, le Comité reconnaît que plusieurs autres décisions antérieures à 1970 méritent également une attention particulière et une traduction, mais son mandat se limitait à présenter une courte liste d’environ vingt décisions qui feront l’objet d’une traduction à l’occasion du 150e anniversaire de la CSC.
Nous vous prions d’agréer, madame la Registraire, l’expression de nos sentiments distingués.
L’hon. Marshall Rothstein
L’hon. Clément Gascon
Teresa Donnelly
Catherine Claveau
Marie-Ève Sylvestre
Yan Campagnolo
Francis Barragan
ANNEXE
Liste des décisions antérieures à 1970 recommandées pour une traduction immédiate
-
Groupe 1 (par ordre chronologique)
- Reference re Alberta Statutes, [1938] S.C.R. 100
- Saumur v. City of Quebec, [1953] 2 S.C.R. 299
- Boucher v. The Queen, [1955] S.C.R. 16
- Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121
-
Groupe 2 (par ordre chronologique)
- Reference re Validity of Section 5 (a) Dairy Industry Act, [1949] S.C.R. 1
- Switzman v. Elbling and A.G. of Quebec, [1957] S.C.R. 285
- Validity and Applicability of the Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] S.C.R. 529
- Beaver v. The Queen, [1957] S.C.R. 531
-
Groupe 3 (par ordre chronologique)
- Spooner Oils Ltd. v. Turner Valley Gas Conservation, [1933] S.C.R. 629
- Thomson v. Minister of National Revenue, [1946] S.C.R. 209
- White v. The King, [1947] S.C.R. 268
- Johannesson v. Municipality of West St. Paul, [1952] 1 S.C.R. 292
- Alliance des professeurs catholiques de Montréal v. Quebec Labour Relations Board, [1953] 2 S.C.R. 140
- O’Grady v. Sparling, [1960] S.C.R. 804
-
Groupe 4 (par ordre chronologique)
- Valin v. Langlois, (1879) 3 S.C.R. 1
- In re Provincial Fisheries, (1896) 26 S.C.R. 444
- Raymond v. Township of Bosanquet, (1919) 59 S.C.R. 452
- Johnston v. Minister of National Revenue, [1948] S.C.R. 486
- Attorney General of Nova Scotia v. Attorney General of Canada, [1951] S.C.R. 31
- Wilson v. Swanson, [1956] S.C.R. 804
- Colpits v. The Queen, [1965] S.C.R. 739
-
Groupe 5 (par ordre chronologique)
- Boudreau v. The King, [1949] S.C.R. 262
- Re the Farm Products Marketing Act, [1957] S.C.R. 198
- Saint John Tug Boat Co. Ltd. v. Irving Refining Ltd., [1964] S.C.R. 614
Notes de bas de page
- Note de bas de page 1
-
La liste des bases de données de CanLII, ainsi que des informations sur leur portée, est disponible en ligne à l’adresse suivante : www.canlii.org/databases?noCache=fr.
- Note de bas de page 2
-
Cet article, ainsi qu’un courriel en date du 18 mars 2025 envoyé par le professeur Paul Warchuk, fournissent plus de détails sur la méthodologie utilisée pour préparer le tableau 4. Ces documents sont disponibles sur demande.
- Note de bas de page 3
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Vingt-huit réponses ont été recueillies, mais trois ont été écartées puisque rien n’y apparaissait.
- Note de bas de page 4
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Les tableaux 1 à 6, ainsi que le tableau consolidé du Comité, sont disponibles sur demande.
- Note de bas de page 5
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Voir R. c. Tessier, 2022 CSC 35 ; R. c. Beaver, 2022 CSC 54.
- Note de bas de page 6
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Voir Renvoi relatif à la Loi sur l’évaluation d’impact, 2023 CSC 23 ; Murray-Hall c. Québec (Procureur général), 2023 CSC 10 ; R. c. Kirkpatrick, 2022 CSC 33; Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11 ; Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), 2016 CSC 23 ; Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21.
- Note de bas de page 7
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C’est ainsi que la CSC a interprété ce critère dans Owners, Strata Plan LMS 3905 c. Crystal Square Parking Corp., 2020 CSC 29, au para. 33.
- Note de bas de page 8
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Pour le classement des décisions, le Comité a choisi d’utiliser les mêmes catégories que celles retenues par la CSC depuis 2021 dans ses rapports annuels: « Rétrospective annuelle », en ligne : scc-csc.ca/fr/about-apropos/work-travail/review-retro/.