La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

Ontario (Procureur général) c. Working Families Coalition (Canada) Inc.
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 7 mars 2025
- Citation neutre : 2025 CSC 5
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Décompte de la décision :
- Majorité : la juge Karakatsanis a rejeté l’appel (avec l’accord des juges Martin, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin)
- Motifs dissidents : le juge en chef Wagner et la juge Moreau auraient accueilli l’appel
- Motifs dissidents : les juges Côté et Rowe auraient accueilli l’appel pour des motifs différents
- En appel de la Cour d’appel de l’Ontario
- Renseignement sur le dossier (40725)
- Diffusion Web de l'audience (40725)
- Décisions des tribunaux inférieurs :
Sommaire de la Cause
La Cour suprême conclut qu’un plafond visant les dépenses de publicité politique des tiers porte atteinte au droit de vote.
Le paragraphe 37.10.1(2) de la Loi sur le financement des élections de l’Ontario (« LFE ») limite les dépenses de publicité politique que peuvent engager les « tiers » au cours de l’année précédant la période des élections provinciales. Les tiers sont des citoyens et des groupes dont l’objectif est de fournir des renseignements à d’autres citoyens et d’attirer leur attention sur des questions importantes pour eux. La LFE limite les dépenses de publicité politique des tiers à 24 000 $ par circonscription électorale et à 600 000 $ au total pendant les 12 mois qui précèdent la période électorale. Elle limite aussi la publicité politique faite par des partis politiques, mais seulement durant les six mois qui précèdent immédiatement le début de la période électorale. Au cours de cette période, les partis politiques peuvent dépenser au maximum 1 000 000 $. Avant cette période de six mois, ils ne sont soumis à aucun plafond de dépenses.
Une organisation de la société civile, plusieurs syndicats et des citoyens individuels ont contesté la constitutionnalité du plafond de dépenses imposé aux tiers, plaidant que la disposition de la LFE qui l’impose porte atteinte au droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge de première instance a conclu que la disposition contestée ne portait pas atteinte à l’article 3 puisque la loi respectait le droit des électeurs de participer utilement au processus électoral en votant de manière éclairée.
Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont accueilli l’appel et conclu que le paragraphe 37.10.1(2) portait atteinte au droit de vote garanti par l’article 3, étant donné que le plafond de dépenses n’était pas soigneusement adapté et que le juge de première instance n’avait tiré aucune conclusion appuyant sa décision selon laquelle les limites de dépenses étaient suffisantes pour mener une campagne d’information modeste. Ils ont déclaré invalide le plafond de dépenses contesté.
Le procureur général de l’Ontario a interjeté appel à la Cour suprême du Canada. Il a plaidé que la Cour d’appel avait appliqué le mauvais critère juridique et avait omis de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait tirées par le juge de première instance.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
Un plafond de dépenses portera atteinte à l’article 3 de la Charte s’il confère à des acteurs politiques ou à des tiers un poids disproportionné dans le débat politique compte tenu de leur rôle dans le processus électoral.
Rédigeant les motifs des juges majoritaires, la juge Karakatsanis a conclu que le plafond de dépenses prévu au paragraphe 37.10.1(2) de la LFE porte atteinte au droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte et est donc invalide sur le plan constitutionnel. Le paragraphe 37.10.1(2) crée à dessein une disproportion absolue, c’est à dire une disproportion qui est si marquée à sa face même qu’elle permet aux partis politiques d’étouffer les voix des tiers sur des questions politiques et de les empêcher d’atteindre les citoyens durant une année entière d’activité législative. Comme l’a indiqué la juge Karakatsanis, « [l]a participation utile au processus électoral suppose un vote éclairé, car c’est seulement en ayant accès à l’information que les citoyens peuvent voter d’une manière qui reflète exactement leurs préférences ». Le plafond de dépenses ne peut être sauvegardé en vertu de l’article premier de la Charte, car il n’est pas justifié dans le cadre d’une société libre et démocratique étant donné que la loi ne porte pas qu’une atteinte minimale au droit.