La cause en bref
La cause en bref est un court résumé en langage simple d’une décision rendue par écrit par la Cour. Ces résumés sont préparés par le personnel de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.
R. c. Varennes
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 11 juillet 2025
- Citation neutre : 2025 CSC 22
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Décompte de la décision :
- Majorité : la juge Karakatsanis a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Côté, Martin, O’Bonsawin et Moreau)
- Motifs concordants : le juge Rowe aurait accueilli l’appel pour des raisons différentes (avec l’accord du juge Kasirer)
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (40662)
- Diffusion Web de l'audience (40662)
- Décisions des tribunaux inférieurs :
Sommaire de la Cause
La Cour suprême du Canada confirme qu’un procès devant juge seul peut être ordonné, même lorsque le poursuivant refuse d’y consentir, si la tenue d’un tel procès est nécessaire pour protéger les droits garantis à l’accusé par la Charte.
Dans cette affaire, on demandait à la Cour de clarifier dans quels cas un juge d’une cour supérieure peut ordonner la tenue d’un procès devant juge seul pour une accusation de meurtre malgré le refus du poursuivant de consentir à un tel procès.
Pascal Varennes a été accusé du meurtre au deuxième degré de sa conjointe. Son procès devant jury était prévu pour septembre 2020, durant la pandémie de COVID 19. En juin 2020, il a demandé que son procès se tienne devant juge seul, ce que permet le Code criminel pour une accusation de meurtre si le poursuivant et l’accusé consentent à ce mode de procès. M. Varennes plaidait que les retards susceptibles de survenir dans les procès devant jury en raison de la pandémie risquaient d’entraîner la violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable prévu à l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés. La poursuite a refusé de consentir à la tenue d’un procès devant juge seul.
M. Varennes a présenté à la Cour supérieure une requête dans laquelle il demandait une ordonnance imposant la tenue d’un procès devant juge seul. La juge du procès a conclu que le refus du poursuivant de consentir à un tel procès était « inéquitable ou déraisonnable dans les circonstances », et elle a présidé le procès seule, sans jury. Au terme du procès, elle a acquitté M. Varennes de meurtre au deuxième degré, mais elle l’a déclaré coupable d’homicide involontaire coupable.
La poursuite a fait appel de l’acquittement. Elle a plaidé que la juge du procès avait appliqué la mauvaise norme pour décider de ne pas tenir compte du refus du poursuivant de donner son consentement, ce qui avait eu pour effet de rendre le procès invalide. La Cour d’appel du Québec a conclu que la décision du poursuivant de consentir ou non à un procès devant juge seul fait partie de son pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites, et que la juge du procès avait donc commis une erreur de droit en passant outre à cette décision. La Cour d’appel a en conséquence ordonné un nouveau procès. M. Varennes a interjeté appel à la Cour suprême.
La Cour suprême a accueilli l’appel de M. Varennes, annulé le jugement de la Cour d’appel et renvoyé l’affaire à cette dernière pour qu’elle se prononce sur les autres moyens d’appel du poursuivant.
Dans la présente affaire, la juge du procès a eu raison d’ordonner un procès devant juge seul afin d’éviter les risques sérieux de retards liés à la pandémie, retards qui auraient probablement entraîné la violation du droit de M. Varennes d’être jugé dans un délai raisonnable que lui garantit la Charte.
Rédigeant les motifs majoritaires de la Cour, la juge Karakatsanis a déclaré que la Cour d’appel avait compétence pour entendre l’appel interjeté par le poursuivant contre la décision de la juge du procès d’instruire le procès seule. Toutefois, la Cour d’appel a fait erreur en exigeant la preuve que le refus du poursuivant de consentir à la tenue d’un procès devant juge seul constituait un abus de procédure, et en ordonnant un nouveau procès. La décision du poursuivant de consentir ou non à un procès devant juge seul ne relève pas de son pouvoir discrétionnaire essentiel en matière de poursuites, et une cour supérieure peut contrôler une telle décision en vertu de sa compétence inhérente, en appliquant une norme moins exigeante que celle fondée sur l’abus de procédure. La juge Karakatsanis a cependant affirmé qu’il n’était pas nécessaire de déterminer la norme précise qui devrait être appliquée, puisque le paragraphe 24(1) de la Charte s’appliquait lui aussi en l’espèce comme autre voie juridique permettant à la juge du procès de passer outre à la décision du poursuivant. Vu la conclusion de la juge du procès selon laquelle les retards attribuables à la pandémie dans les procès devant jury allaient vraisemblablement entraîner la violation du droit de M. Varennes d’être jugé dans un délai raisonnable prévu à l’alinéa 11b) de la Charte, la juge avait compétence pour ordonner un procès devant juge seul à titre de réparation fondée sur le paragraphe 24(1) de la Charte dans la présente affaire.