La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

St. John’s (Ville) c. Lynch
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 10 mai 2024
- Citation neutre : 2024 CSC 17
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Décompte de la décision :
- Unanimité : la juge Martin a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Karakatsanis, Côté, Rowe, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin)
- En appel de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador
- Renseignement sur le dossier (40302)
- Diffusion Web de l'audience (40302)
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Décisions des tribunaux inférieurs :
- Décision (Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador) (en anglais seulement)
Sommaire de la Cause
La Cour suprême clarifie l’incidence des règlements de zonage et autres restrictions à l’utilisation des terres sur l’indemnisation des propriétaires de biens expropriés.
Il y a expropriation quand la Couronne procède à l’acquisition forcée d’une propriété privée à des fins publiques. Lorsqu’une autorité publique acquiert une propriété privée en utilisant ses pouvoirs de réglementation, il s’agit d’une « expropriation par interprétation ». Dans de tels cas, les propriétaires peuvent avoir droit à une indemnité basée sur la valeur marchande de leur propriété.
Dans cette affaire, le litige concernait la propriété de la famille Lynch située dans le bassin hydrographique de la rivière Broad Cove à Terre-Neuve-et-Labrador. Les eaux souterraines à l’intérieur de ce bassin hydrographique s’écoulent vers la rivière Broad Cove, qui est utilisée comme source d’eau locale par la ville de St. John’s (la « Ville »). Conformément à la City of St. John’s Act, la loi qui régit la Ville, la propriété de la famille Lynch est assujettie aux pouvoirs de la Ville en matière d’expropriation et de contrôle de la pollution. En 1994, la propriété de la famille Lynch a été zonée bassin hydrographique (le « zonage comme bassin hydrographique »). Dans cette zone, la permission de la Ville est requise pour toute utilisation des terres, et une telle permission peut seulement être accordée à l’égard de trois usages discrétionnaires : l’agriculture, la foresterie et les services publics.
La famille Lynch tente depuis au moins les années 1990 d’obtenir la permission d’aménager sa propriété. En 2013, la Ville a refusé une demande officielle visant l’aménagement d’un lotissement résidentiel sur la propriété, invoquant le pouvoir que lui confère la City of St. John’s Act ainsi que la désignation de la propriété comme faisant partie de la zone du bassin hydrographique. À la suite de ce refus, la famille Lynch s’est adressée à la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a déclaré que la Ville avait exproprié la propriété lorsqu’elle avait refusé d’autoriser tout aménagement sur celle-ci. La décision de la cour signifiait que la famille Lynch avait droit à une indemnité de la Ville.
La Ville a demandé à la commission des services publics de la province (la « Commission ») d’évaluer la somme d’argent qui était due à la famille Lynch. Pour sa part, la Commission a demandé à la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador de décider si l’indemnité devait être évaluée sur la base du zonage comme bassin hydrographique ou s’il fallait plutôt en faire abstraction et établir la valeur de la propriété comme si l’aménagement résidentiel y était autorisé. Il s’agissait d’une question importante, car évaluer la propriété en fonction du zonage comme bassin hydrographique diminuait sa valeur marchande par rapport à l’aménagement résidentiel souhaité par la famille Lynch. En d’autres mots, tenir compte du zonage comme bassin hydrographique réduirait l’indemnité due à la famille Lynch.
La juge de première instance a appliqué le principe juridique selon lequel il faut faire abstraction des changements de valeur qui découlent du régime d’expropriation lui-même dans le calcul de l’indemnité. Pour cette raison, la question consistait à décider si le zonage comme bassin hydrographique avait été effectué en vue de l’expropriation de la propriété de la famille Lynch. La juge a conclu que le règlement établissant le zonage du bassin hydrographique constituait un texte de loi indépendant et ne faisait pas partie du régime d’expropriation. Cela signifiait qu’il pouvait influencer la valeur marchande de la propriété de la famille Lynch et qu’on ne pouvait en faire abstraction pour fixer le montant de l’indemnité.
La Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador a accueilli l’appel de la famille Lynch. Elle a dit être en désaccord avec la juge de première instance et a conclu que le zonage comme bassin hydrographique était lié à l’expropriation. Elle a donc ordonné à la Commission d’établir le montant de l’indemnité sans tenir compte du zonage comme bassin hydrographique. La Ville a interjeté appel à la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a accueilli l’appel.
Le zonage comme bassin hydrographique n’était pas lié au régime d’expropriation.
Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, la juge Martin a conclu que la famille Lynch avait droit à une indemnité équitable, mais sans plus, pour l’expropriation par interprétation de sa propriété par la Ville. Elle a souscrit à la conclusion de la juge de première instance selon laquelle le règlement établissant le zonage du bassin hydrographique constitue un texte de loi indépendant qui n’a pas été pris en vue de l’expropriation. Par conséquent, la détermination de la valeur marchande de la propriété de la famille Lynch doit tenir compte du fait que le zonage comme bassin hydrographique limite son utilisation à des usages discrétionnaires en matière d’agriculture, de foresterie et de services publics. Faire abstraction du zonage comme bassin hydrographique reviendrait à indemniser la famille Lynch de quelque chose qu’elle n’aurait jamais eu en l’absence de l’expropriation : des terres non grevées sur lesquelles effectuer de la construction résidentielle. Pour ces raisons, la juge Martin a accueilli l’appel, annulé l’ordonnance de la Cour d’appel et rétabli celle de la juge de première instance.