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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Édifice de la Cour suprême du Canada

Aquino c. Bondfield Construction Co.

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Sommaire de la Cause

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La Cour suprême conclut que l’intention frauduleuse du président de deux entreprises de construction peut être attribuée à celles-ci dans le cadre de procédures de faillite.

Cet appel visait à répondre à la question de savoir dans quelles circonstances un tribunal peut attribuer à une entreprise l’intention d’un cadre supérieur ou d’un employé constituant ce qu’on appelle l’« âme dirigeante » de l’entreprise.

John Aquino était le président de deux entreprises de construction familiales qui réalisaient des projets de construction à grande échelle. Lorsque celles-ci ont commencé à éprouver de graves difficultés financières, des enquêtes ont révélé que M. Aquino et plusieurs autres personnes se sont frauduleusement approprié des dizaines de millions de dollars de ces entreprises au moyen d’un stratagème de fausses factures. Pendant des années, ils ont préparé des factures fictives au nom de fournisseurs fictifs pour des services n’ayant jamais été fournis et ils ont demandé aux entreprises de construction de les payer. Lors de procédures de faillite engagées contre ces dernières, les paiements de factures ont été contestés en vertu de la division 96(1)b)(ii)(B) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« LFI »). Cette disposition permet le recouvrement de sommes d’argent lorsqu’une opération constitue une « opération sous-évaluée » et que le débiteur avait l’intention « de frauder ou de frustrer un créancier ou d’en retarder de désintéressement ». Une opération sous-évaluée est une opération par laquelle des biens ou des services sont fournis sans aucune contrepartie ou pour une contrepartie bien inférieure à la juste valeur marchande des biens ou services en question.

La juge de première instance a conclu que les paiements de fausses factures constituaient des opérations sous-évaluées. Selon elle, ils impliquaient plusieurs « signes de fraude », c’est-à-dire des circonstances suspectes susceptibles d’aider à prouver l’existence d’une intention frauduleuse. Elle a rejeté l’argument selon lequel les entreprises de construction ne pouvaient avoir eu d’intention frauduleuse étant donné qu’elles payaient leurs créanciers en entier et à temps au moment où les paiements de fausses factures ont été effectués. La juge de première instance a examiné l’objet de la législation en matière de faillite, qui consiste à accorder réparation aux créanciers, et elle a statué que l’intention de M. Aquino devait être attribuée aux entreprises. Elle a ordonné à M. Aquino et aux autres personnes de rembourser l’argent qu’ils avaient obtenu au moyen du stratagème. Monsieur Aquino et les autres personnes ont interjeté appel de la décision rendue par la juge de première instance. Devant la Cour d’appel et la Cour suprême, ils ont répété les arguments qu’ils avaient formulés en première instance. La Cour d’appel a confirmé la décision de la juge de première instance.

La Cour suprême a rejeté l’appel.

Rédigeant les motifs de la Cour, le juge Jamal a conclu que la juge de première instance n’a pas mal appliqué l’approche fondée sur les signes de fraude pour inférer l’intention frauduleuse. Un tribunal peut conclure qu’un débiteur avait l’intention de frauder ou de frustrer un créancier ou d’en retarder le désintéressement aux termes de la division 96(1)b)(ii)(B) de la LFI même s’il n’était pas insolvable au moment de l’opération sous-évaluée. Il n’y avait donc aucune raison de modifier la conclusion de la juge de première instance selon laquelle M. Aquino avait l’intention de frauder ou de frustrer un créancier ou d’en retarder le désintéressement dans le cadre du stratagème de fausses factures. En outre, l’intention frauduleuse de M. Aquino devait être attribuée aux entreprises débitrices, étant donné qu’il était leur âme dirigeante et qu’il avait agi dans le cadre du secteur de responsabilité des entreprises qui lui était attribué.

La théorie de l’attribution d’actes à une entreprise doit être appliquée de manière téléologique, contextuelle et pragmatique afin que se réalisent les objectifs de politique générale de la loi en vertu de laquelle une partie cherche à attribuer à une entreprise les actes, les connaissances, l’état d’esprit ou l’intention de son âme dirigeante. Dans le contexte d’une demande fondée sur l’article 96 de la LFI, les exceptions à l’attribution d’actes à une entreprise pour cause de « fraude » et d’« absence d’avantage » ne devraient pas s’appliquer car elles mineraient l’objet de cette disposition. Le test applicable à l’attribution d’actes à une entreprise au titre de l’art. 96 de la LFI consiste simplement à déterminer si la personne était l’âme dirigeante et si elle a accompli ses actes dans le cadre du secteur d’activités de l’entreprise qui lui était attribué.

Date de modification : 2025-03-10