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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Édifice de la Cour suprême du Canada

Ontario (Procureur général) c. Restoule

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Sommaire de la Cause

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La Cour suprême oblige la Couronne à négocier ou, à défaut d’entente, à déterminer l’indemnité qu’elle doit verser à des Premières Nations pour avoir manqué à ses promesses faites en vertu de traités.

Ce jugement clarifie les droits et obligations de la Couronne et des Anichinabés du lac Huron et du lac Supérieur en vertu de deux traités historiques, ainsi que les mesures que doit prendre la Couronne pour remédier à ses violations de ces traités.

En 1850, les Anichinabés du lac Huron et du lac Supérieur ont conclu avec la Couronne des traités, connus sous le nom de « Traités Robinson ». Aux termes de ces traités, les Anichinabés ont accepté de céder leurs terres à la Couronne, qui, en retour, leur a promis une annuité (un paiement annuel perpétuel). Les traités prévoyaient l’augmentation des annuités au fil du temps dans certaines circonstances. Cette partie des traités, communément appelée « clause d’augmentation », prévoyait également que le montant « payé à chaque individu » n’excéderait pas 1 £ par année (l’équivalent de 4 $), mais la Couronne avait néanmoins le pouvoir d’augmenter ce montant à sa discrétion. Les annuités ont été augmentées à 4 $ par individu en 1875, mais elles ne l’ont pas été depuis.

Les Anichinabés du lac Supérieur (« demandeurs du lac Supérieur ») ont intenté une action en justice contre la Couronne en 2001, tandis que les Anichinabés du lac Huron (« demandeurs du lac Huron ») ont intenté leur propre action en 2014. Tant les demandeurs du lac Huron que ceux du lac Supérieur ont plaidé que la Couronne avait violé la clause d’augmentation et manqué à son obligation fiduciaire. Cette obligation fiduciaire signifie que le Canada doit agir dans l’intérêt des peuples autochtones. Les demandeurs ont demandé au tribunal de les indemniser.

La juge de première instance a conclu que, conformément à la clause d’augmentation, la Couronne doit majorer les annuités, c’est-à-dire les augmenter, lorsque la situation économique le justifie, la majoration devant refléter une « juste part » des revenus que la Couronne tire des terres. Selon la juge de première instance, l’honneur de la Couronne et une obligation fiduciaire obligent la Couronne à mettre en œuvre la clause d’augmentation avec diligence.

L’Ontario a fait appel des décisions de la juge de première instance, affirmant que cette dernière avait fait erreur dans l’interprétation des Traités Robinson. La Cour d’appel a accueilli en partie les appels de l’Ontario. Elle a reconnu que l’honneur de la Couronne s’appliquait dans cette affaire. Les juges de la Cour d’appel ont conclu, à la majorité, que la Couronne est tenue de majorer les annuités lorsque les conditions économiques le justifient, mais ont refusé de reconnaître que les traités promettaient une juste part des revenus. La Cour d’appel a également reconnu que le pouvoir de la Couronne de décider de majorer ou non les annuités en vertu de la clause d’augmentation n’est pas illimité. La Cour d’appel a en outre conclu que la Couronne n’a pas d’obligation fiduciaire relativement à la clause d’augmentation.

L’Ontario a interjeté appel à la Cour suprême du Canada à l’égard d’un certain nombre de questions, notamment l’interprétation appropriée de la clause d’augmentation, la nature et la teneur de l’obligation de la Couronne de donner effet à cette clause, ainsi que la réparation qu’il convient d’accorder en cas de manquement à cette obligation. Les demandeurs du lac Huron et ceux du lac Supérieur ont formé un appel incident sur la question des obligations fiduciaires de la Couronne. Devant la Cour suprême, ni le Canada ni l’Ontario n’ont contesté le fait qu’ils violent depuis longtemps les promesses d’annuités.

La Cour suprême a accueilli en partie les appels de l’Ontario, rejeté les appels incidents des demandeurs et rendu un jugement déclaratoire concernant les droits et obligations aux termes de la clause d’augmentation.

La possibilité de négocier et d’arriver à une entente hors cour est mieux à même de renouveler la relation établie par traités, de faire avancer la réconciliation et de rétablir l’honneur de la Couronne.

Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, le juge Jamal a conclu que l’interprétation des traités historiques conclus entre la Couronne et les Autochtones est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Cela signifie qu’une cour d’appel peut substituer son interprétation à celle du tribunal inférieur si cette interprétation est jugée incorrecte. Appliquant cette norme de contrôle à la présente affaire, ainsi que les principes d’interprétation des traités pertinents, le juge Jamal a affirmé que la Couronne a le devoir de se demander, de temps en temps, si elle peut majorer les annuités sans encourir de pertes. S’il lui est possible de les majorer au-delà de 4 $ par individu, la Couronne doit exercer son pouvoir discrétionnaire et décider si elle le fait ou non, et, si oui, de combien. Ce pouvoir discrétionnaire n’est pas illimité; il doit être exercé de façon juste et libérale et conformément à l’honneur de la Couronne. La fréquence à laquelle la Couronne doit se demander si elle peut majorer les annuités doit également être conforme à l’honneur de la Couronne.

Le juge Jamal a ajouté que, compte tenu de la durée et du caractère odieux de la violation de la clause d’augmentation, la Couronne doit exercer son pouvoir discrétionnaire et majorer les annuités à l’égard du passé. Comme la Couronne est déjà parvenue à un règlement négocié avec les demandeurs du lac Huron en ce qui a trait aux manquements passés, la Cour lui donne la directive de mener des négociations honorables et circonscrites dans le temps avec les demandeurs du lac Supérieur au sujet de l’indemnité à verser pour les manquements passés. Enfin, bien qu’aucune obligation fiduciaire particulière ne s’applique en ce qui concerne la promesse d’augmentation, l’honneur de la Couronne exige que cette promesse soit remplie avec diligence.

Date de modification : 2025-03-10