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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Édifice de la Cour suprême du Canada

R. c. Abdullahi

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Sommaire de la Cause

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La Cour suprême ordonne un nouveau procès en raison des directives insuffisantes données au jury.

Monsieur Ahmed Abdullahi a été arrêté en juin 2013 à la suite d’une enquête policière intégrée visant le trafic d’armes à feu illégales à Toronto. Un jury l’a déclaré coupable de diverses infractions liées aux armes à feu et d’un chef d’accusation de participation aux activités d’une organisation criminelle dans le but de faire le trafic d’armes à feu, en contravention de l’art. 467.11 du Code criminel. La déclaration de culpabilité à l’égard de ce chef d’accusation était la seule question en litige devant la Cour suprême du Canada.

Conformément à l’art. 467.11, la Couronne doit d’abord prouver l’existence d’une « organisation criminelle ». Selon la définition de ce terme dans le Code criminel, une organisation criminelle est un groupe composé d’au moins trois personnes qui, quel que soit son mode d’organisation, commet ou facilite une infraction grave afin d’en tirer un avantage financier ou autre. La lutte contre le crime organisé s’accompagne de l’exercice de pouvoirs policiers accrus à l’égard de certaines autorisations et de certains mandats, et de l’infliction de peines plus sévères que pour les crimes commis par des groupes qui se forment au hasard pour la perpétration d’une seule infraction. Dans le jugement qu’elle a rendu en 2012 dans l’affaire R. c. Venneri, la Cour suprême du Canada a dit que pour qu’un groupe « organisé » constitue une organisation criminelle, il doit posséder « une structure quelconque et une certaine continuité ».

Avant que les membres du jury ne commencent leurs délibérations, le juge du procès leur a donné des directives sur les éléments essentiels de l’infraction de participation à une organisation criminelle, notamment la nécessité de prouver d’abord l’existence d’une telle organisation. Relativement à cet élément de l’infraction, le juge a lu la définition d’organisation criminelle mais n’a pas mentionné l’exigence requérant que le groupe présente une structure quelconque et une certaine continuité afin d’être qualifié comme telle. En définitive, le jury a déclaré M. Abdullahi coupable de tous les chefs d’accusation, y compris celui d’avoir participé aux activités d’une organisation criminelle dans le but de faire le trafic d’armes à feu.

En appel, M. Abdullahi a soutenu que les directives du juge au jury étaient insuffisantes parce qu’elles ne précisaient pas qu’une organisation criminelle doit présenter une structure et une continuité. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Ontario ont rejeté l’appel et ont conclu que le jury avait reçu des directives appropriées. Le juge dissident n’était pas de cet avis et aurait ordonné un nouveau procès à l’égard de ce chef d’accusation. Monsieur Abdullahi a fait appel de sa déclaration de culpabilité devant la Cour suprême.

La Cour suprême a accueilli son appel.

La directive du juge du procès n’a pas outillé suffisamment le jury pour qu’il décide si une organisation criminelle existait.

S’exprimant pour les juges majoritaires, le juge Rowe a d’abord expliqué que le rôle d’une cour d’appel lors du contrôle de directives au jury consiste à s’assurer que ce dernier est convenablement outillé pour trancher l’affaire conformément au droit et à la preuve. Pour que le jury soit convenablement outillé, il doit avoir une compréhension exacte et suffisante du droit.

Dans l’affaire dont il était question, le juge du procès n’a pas expliqué au jury qu’une organisation criminelle est une organisation qui, en raison de sa structure et de sa continuité, présente un risque élevé pour la société. Les avantages institutionnels comme la consolidation et la rétention de l’information, le partage de la clientèle et des ressources, le développement de spécialités et la promotion d’un climat de confiance et de loyauté distinguent  les organisations criminelles des autres groupes de personnes agissant de concert qui, en l’absence de structure et de continuité, ne posent pas le même risque élevé pour la société. De plus, un examen minutieux de la structure et de la continuité d’un groupe est nécessaire afin d’éviter l’application de raisonnements inappropriés fondés sur des caractéristiques communes, par exemple l’ethnicité ou un quartier, dans l’identification d’une organisation criminelle. Comme a déclaré le juge Rowe, « [b]ien que de telles caractéristiques puissent indiquer une identité sociale ou culturelle commune entre des personnes qui commettent des infractions, elles ne sont pas pertinentes pour statuer sur l’existence ou non d’une organisation criminelle ».

Vu l’absence de telles explications au procès, le juge Rowe a conclu que le jury n’avait pas reçu de directives suffisantes sur la norme juridique devant être appliquée à la preuve pour pouvoir conclure à l’existence d’une organisation criminelle. Pour ces motifs, il a accueilli l’appel, annulé la déclaration de culpabilité prononcée contre l’appelant pour participation aux activités d’une organisation criminelle et ordonné la tenue d’un nouveau procès à l’égard de ce chef.

Date de modification : 2023-07-14