La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

Anderson c. Anderson
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 12 mai 2023
- Citation neutre : 2023 CSC 13
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Décompte de la décision :
- Unanimité : la juge Karakatsanis a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Côté, Rowe, Martin, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin)
- En appel de la Cour d’appel de la Saskatchewan
- Renseignement sur le dossier (39884)
- Diffusion Web de l'audience (39884)
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Décisions des tribunaux inférieurs :
- Jugement (Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de la Saskatchewan) (en anglais seulement)
Sommaire de la Cause
La Cour suprême précise dans quels cas les tribunaux doivent tenir compte de certains accords conjugaux lors de la répartition des biens familiaux en vertu de la loi de la Saskatchewan.
Les Anderson ont été mariés en Saskatchewan pendant trois ans, et ils se sont séparés en 2015. Madame Anderson a préparé un accord qui prévoyait que chacun d’entre eux conserverait ses propres biens et renoncerait à ses droits sur les biens de l’autre, à l’exception du foyer familial et des objets ménagers, qui leur appartenaient conjointement. Les deux parties ont signé l’accord en présence de deux de leurs amis qui ont agi comme témoins. Ni l’une ni l’autre des parties n’a bénéficié de conseils juridiques indépendants avant de signer l’accord. Madame Anderson a par la suite demandé le divorce. Monsieur Anderson a déposé une requête reconventionnelle pour demander au tribunal de répartir les biens familiaux, plaidant qu’il avait signé l’accord sans avoir consulté d’avocat et sous la contrainte.
Tout comme d’autres lois provinciales sur les biens familiaux, la Loi sur les biens familiaux (LBF) de la Saskatchewan prévoit que de tels biens familiaux seront répartis en parts égales, sauf si les conjoints en décident autrement dans un contrat familial ou un autre contrat conjugal. Les contrats familiaux sont présumés obligatoires s’ils satisfont à certaines exigences prescrites par la LBF, telle la reconnaissance formelle par les parties, devant des avocats différents, qu’elles comprennent la nature et l’effet de leur accord. Suivant la LBF, le tribunal peut quand même tenir compte d’un contrat conjugal qui ne respecte pas ces formalités et lui donner « l’importance qu’il estime raisonnable ». Puisqu’aucun avocat n’a participé à l’accord intervenu entre les Anderson, celui-ci ne constituait pas un contrat familial.
Au procès, le juge a conclu que l’accord n’était pas obligatoire, en partie parce que les Anderson n’avaient pas obtenu de conseils juridiques avant de signer le contrat conjugal. Par conséquent, le juge n’a pas donné à l’accord quelque importance que ce soit dans l’établissement de son ordonnance de répartition des biens. Il a réparti la valeur des actifs du couple en parts égales, conformément à la LBF, et il a ordonné à l’épouse de payer à l’époux une différence d’environ 90 000 $. Madame Anderson a ensuite porté l’affaire devant la Cour d’appel de la Saskatchewan, qui a annulé l’ordonnance du juge de première instance. S’appuyant sur un jugement antérieur de la Cour suprême du Canada (Miglin c. Miglin), qui a créé un cadre d’examen des ententes en matière de soutien alimentaire entre époux fondées sur la Loi sur le divorce fédérale, la Cour d’appel a statué que l’accord initial du couple était obligatoire et que le tribunal de première instance aurait en conséquence dû en tenir compte lors de la répartition des biens familiaux. Elle a ordonné à M. Anderson de verser environ 5 000 $ à Mme Anderson, en se servant de l’évaluation des biens effectuée par le juge de première instance à la date la plus rapprochée de la signature de l’accord. M. Anderson a interjeté appel à notre Cour.
La Cour suprême a accueilli l’appel.
L’accord des Anderson était obligatoire et le juge de première instance aurait dû en tenir compte au moment de répartir les biens familiaux.
Rédigeant la décision unanime de la Cour, la juge Karakatsanis a donné effet à l’accord des Anderson. Elle a déclaré que l’accord était court, peu compliqué et reflétait l’intention des parties d’effectuer une rupture nette de leur partenariat. En outre, M. Anderson n’était pas en mesure de mentionner quelque préjudice résultant de l’absence de conseils juridiques indépendants. La juge Karakatsanis a dit être en désaccord avec le recours par la Cour d’appel à l’arrêt Miglin, soulignant que l’interprétation effectuée par les juges dans une affaire dépend de la loi applicable. Elle est néanmoins arrivée à la même conclusion que la Cour d’appel, soit que le juge de première instance aurait dû tenir compte sérieusement de l’accord.
La juge Karakatsanis a dit que les tribunaux devraient de façon générale encourager et favoriser les contrats conjugaux, dans les limites prévues par la loi, en l’absence de raison impérieuse de les rejeter. La déférence envers les accords de ce genre découle de la reconnaissance du fait que l’indépendance économique, l’autonomie et la recherche d’un règlement définitif sont des objectifs importants en droit de la famille. De plus, « les tribunaux doivent examiner les contrats conjugaux en faisant montre d’une sensibilité particulière à l’égard des vulnérabilités qui peuvent exister dans le contexte du droit de la famille, sans présumer que les conjoints n’avaient pas la capacité de contracter simplement parce que l’accord a été négocié dans des conditions stressantes sur le plan émotionnel ».
La Cour a accueilli l’appel, annulé la décision de la Cour d’appel et déclaré que l’accord devait être exécuté. Elle a réparti le foyer familial et les objets ménagers en parts égales en fonction de la valeur de ces biens à la date du procès, et a ordonné à Mme Anderson de payer à M. Anderson une différence d’environ 43 000 $.