La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

Hansman c. Neufeld
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 19 mai 2023
- Citation neutre : 2023 CSC 14
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Décompte de la décision :
- Majorité : la juge Karakatsanis a accueilli l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Rowe, Martin, Jamal et O’Bonsawin)
- Motifs dissidents : la juge Côté aurait rejeté l’appel.
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
- Renseignement sur le dossier (39796)
- Diffusion Web de l'audience (39796)
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Décisions des tribunaux inférieurs :
- Jugement (Cour suprême de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
Sommaire de la Cause
La Cour suprême rétablit le rejet par un tribunal de la C.-B. d’une poursuite en diffamation.
La présente affaire porte sur une poursuite en diffamation intentée à la suite d’un débat public concernant une initiative visant à doter les enseignants de ressources leur permettant d’instruire les élèves sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. En 2016, le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique a lancé l’initiative intitulée « Sexual Orientation and Gender Identity 123 » (SOGI 123). L’objectif de la SOGI 123 est de favoriser l’inclusion et le respect des élèves qui peuvent être victimes de discrimination à l’école en raison de leur identité ou expression de genre. Monsieur Barry Neufeld, un conseiller scolaire élu du conseil scolaire de Chilliwack, en Colombie-Britannique, a critiqué publiquement l’initiative dans des messages en ligne, ce qui a déclenché une vive controverse et suscité des appels à sa démission. De nombreuses personnes dans la collectivité jugeaient que ses commentaires étaient désobligeants envers les personnes transgenres et autres personnes 2SLGBTQ+. Monsieur Glen Hansman, un homme gai, un enseignant et un ancien président de la fédération des enseignants de la Colombie-Britannique, a dénoncé publiquement les opinions de M. Neufeld, notamment dans les médias, les qualifiant de sectaires, de transphobes et d’haineuses. Il reprochait à M. Neufeld de compromettre la sécurité et l’inclusivité des élèves transgenres et des autres élèves 2SLGBTQ+ dans les écoles, et demandait si ce dernier devait rester un conseiller scolaire.
Monsieur Neufeld a poursuivi M. Hansman en diffamation. Celui-ci a réagi en demandant au tribunal de rejeter la poursuite en vertu de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Protection of Public Participation Act (la Loi). Il prétendait que M. Neufeld avait intenté une « poursuite stratégique contre la mobilisation publique » (aussi appelée poursuite-bâillon ou SLAPP). Au lieu d’indemniser le demandeur de la grave atteinte à sa réputation, ce genre d’action en justice a pour objectif de faire taire le défendeur et d’étouffer les débats sur des affaires d’intérêt public. La Loi vise à faire échec aux poursuites-bâillons. Quand un tribunal juge que la protection de la liberté de discussion sur des affaires d’intérêt public l’emporte sur le préjudice causé à l’auteur de la poursuite, l’article 4 de la Loi l’oblige à rejeter une telle poursuite.
Le juge de première instance a rejeté la poursuite en diffamation intentée par M. Neufeld, concluant qu’elle avait pour effet d’étouffer les débats sur des affaires d’intérêt public. Il a statué que la valeur de la protection de l’expression de M. Hansman l’emportait sur le préjudice qu’avait vraisemblablement subi M. Neufeld. La Cour d’appel a exprimé son désaccord et laissé la poursuite en diffamation suivre son cours. Monsieur Hansman a fait appel à la Cour suprême.
La Cour suprême a accueilli l’appel.
Le juge de première instance a eu raison de rejeter la poursuite en diffamation intentée par M. Neufeld.
Rédigeant les motifs de jugement des juges majoritaires, la juge Karakatsanis a rétabli l’ordonnance du premier juge ayant rejeté la poursuite en diffamation de M. Neufeld. Elle a statué que l’intérêt public à protéger l’expression de M. Hansman l’emportait sur l’intérêt public à réparer l’atteinte portée à la réputation de M. Neufeld. Tout comme le premier juge, elle a conclu que M. Neufeld avait subi un préjudice limité, puisqu’il avait continué d’exprimer ses opinions malgré la réaction du public, et qu’il avait réussi à se faire réélire un an plus tard.
Quant à M. Hansman, il a pris la parole pour dénoncer des propos que lui et d’autres estimaient discriminatoires et préjudiciables à l’égard des jeunes transgenres et autres jeunes 2SLGBTQ+, « des groupes particulièrement vulnérables à l’expression d’opinions qui déprécient leur valeur et leur dignité aux yeux de la société et qui remettent en question leur identité même ». Sa réaction aux déclarations de M. Neufeld n’était ni disproportionnée ni gratuite.
Comme l’a expliqué la juge Karakatsanis, « [p]lus l’expression se rapproche de l’une ou l’autre des valeurs fondamentales de la liberté d’expression, comme la recherche de vérité, la participation à la prise de décisions politiques et la diversité des formes d’enrichissement et d’épanouissement personnels, “plus l’intérêt public à la protéger sera important” ». Elle a conclu que les propos de M. Hansman concordaient avec ces valeurs.