La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

Colombie-Britannique (Procureur général) c. Provincial Court Judges’ Association of British Columbia et Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Judges of the Provincial Court and Family Court of Nova Scotia
Informations supplémentaires
- Décisions :
- Date : 31 juillet 2020
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Citations neutres :
- 2020 CSC 20
- 2020 CSC 21
- Décompte de la décision :
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En appel de :
- Cour d’appel de la Colombie-Britannique
- Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse
- Renseignement sur les dossiers :
- Diffusions Web des audiences :
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Décisions des tribunaux inférieurs :
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38381 :
- Requête en production d’un document du Cabinet (Cour suprême de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
- Appel (Cour suprême de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
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38549 :
- Requête en production d’un document du Cabinet (Cour suprême de la Nouvelle-Écosse) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse) (en anglais seulement)
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38381 :
Sommaire de la Cause
Un document du Cabinet qui a été utilisé pour fixer la rémunération à verser à des juges en Colombie-Britannique devra rester confidentiel, décide unanimement la Cour suprême. Mais des parties d’un tel document utilisé en Nouvelle-Écosse devront être divulguées.
Au Canada, selon la Constitution, l’État se compose de trois branches. Il y a la branche exécutive, qui est constituée du premier ministre fédéral ou provincial et du Cabinet, et qui décide des politiques du gouvernement. Il y a également la branche législative, c’est-à-dire le Parlement fédéral ou les assemblées législatives provinciales, qui fait les lois. Et, il y a enfin la branche judiciaire, qui est formée des tribunaux et qui interprète et applique les lois. Chaque branche joue donc un rôle différent.
Il est important pour notre démocratie que chacune de ces branches jouisse d’une certaine indépendance. Dans le cas des tribunaux, « l’indépendance judiciaire » (aussi appelée « indépendance de la magistrature ») signifie que les tribunaux peuvent effectuer leur travail sans que les autres branches interviennent, s’en mêlent. Par exemple, il faut de très bonnes raisons pour que des juges soient démis de leurs fonctions. C‘est le cas afin que les juges n’aient pas peur de rendre la bonne décision, même si celle-ci est impopulaire. De plus, seuls les juges peuvent prendre des décisions concernant la gestion des procédures des tribunaux. Les juges doivent également être rémunérés adéquatement, afin qu’on ne puisse exercer des pressions financières sur eux.
Les juges ne peuvent pas négocier leur rémunération avec le gouvernement. De telles négociations feraient en sorte que cette question deviendrait un enjeu politique, ce qui viendrait perturber la relation qui existe entre les branches. Ce sont plutôt des commissions indépendantes qui font des recommandations au gouvernement quant à la rémunération des juges. Les gouvernements doivent ensuite répondre de manière formelle à ces recommandations, et, s’ils décident de ne pas les suivre, ils doivent expliquer pourquoi.
Seuls l’exécutif et le législatif peuvent prendre des décisions concernant la rémunération des juges. Les tribunaux peuvent néanmoins examiner ces décisions pour s’assurer que les gouvernements font ce qu’ils sont censés faire en vertu de la Constitution. En ce qui a trait à la rémunération des juges, les tribunaux vérifient s’il existait une raison valable de ne pas suivre les recommandations d’une commission et si cette décision a été prise en se basant sur des faits. Ils se demanderont aussi si le gouvernement a respecté le rôle que joue la commission et le principe de l’indépendance judiciaire.
La commission de la Colombie-Britannique et celle de la Nouvelle-Écosse ont formulé des recommandations à l’égard de la rémunération des juges nommés par leur province respective. Les gouvernements de ces provinces ont décidé de ne pas suivre toutes les recommandations. Les associations représentant les juges ont demandé aux tribunaux d’examiner les décisions des gouvernements. Dans le cadre de ces demandes, les associations concernées ont demandé aux tribunaux d’ordonner aux gouvernements de leur fournir des copies des documents confidentiels du Cabinet utilisés pour prendre leurs décisions.
Dans les deux provinces, les tribunaux inférieurs ont déclaré que les gouvernements devaient divulguer (communiquer) les documents du Cabinet demandés.
Les juges de la Cour suprême du Canada ont toutes et tous été d’accord pour dire que le document du Cabinet de la Colombie-Britannique doit demeurer confidentiel, mais que des portions du document du Cabinet de la Nouvelle-Écosse doivent être divulguées.
Selon la Cour, des documents confidentiels du Cabinet ne peuvent être divulgués qu’à certaines conditions. Il doit exister des raisons de croire que les documents pourraient aider à démontrer que le gouvernement n’a pas respecté ses obligations. Dans un tel cas, un juge ou une juge examinerait les documents, sans que personne d’autre les voie. Même si le juge ou la juge estime que les documents pourraient aider à démontrer que le gouvernement n’a pas respecté ses obligations, leur divulgation pourrait quand même être refusée, mais seulement s’il existe une bonne raison de ne pas les divulguer.
Par exemple, il est possible que le document soit protégé par le secret professionnel que doivent respecter les avocats en faveur de leurs clients, si ce document porte sur des conseils juridiques fournis au gouvernement. Le document pourrait également être protégé par la règle de « l’immunité d’intérêt public ». Pour déterminer si c’est le cas, les tribunaux se demandent si l’intérêt du public à ce que les documents du Cabinet demeurent confidentiels l’emporte sur l’intérêt du public à savoir ce qui a été dit.
Tout dépend de la situation, mais il est important que les ministres puissent discuter franchement avec leurs collègues. Les ministres doivent défendre les décisions du gouvernement en public, même s’ils sont personnellement en désaccord avec ces décisions. Si les discussions du Cabinet n’étaient pas confidentielles, les ministres pourraient être critiqués parce que leurs opinions personnelles ne correspondent pas à celles qu’ils ou elles défendent publiquement. Une telle situation pourrait constituer une source de distraction et réduire la confiance des gens dans le gouvernement.
Dans l’affaire des juges de la Colombie-Britannique, la Cour a dit qu’il n’existe aucune raison de croire que le document pourrait aider à démontrer que le gouvernement n’a pas respecté ses obligations.
Toutefois, dans l’affaire des juges de la Nouvelle-Écosse, la Cour a affirmé qu’il existe des raisons de croire que le document pourrait aider à démontrer que le gouvernement n’a pas respecté ses obligations lorsqu’il a pris sa décision au sujet de la rémunération des juges. La Cour a examiné le document du Cabinet. Elle a confirmé que des portions de ce document pourraient aider à démontrer que le gouvernement ne s’est pas acquitté de certaines de ses obligations. En outre, la Cour a jugé que l’immunité d’intérêt public n’empêchait pas la divulgation de ces portions du document.
Les tribunaux jouent un rôle unique au sein de la société, car ils veillent au respect de la primauté du droit, c’est-à-dire le principe selon lequel tout le monde doit suivre les mêmes règles juridiques dans la société. Selon la Constitution, les tribunaux ne doivent pas être politisés, car si c’était le cas, les gens perdraient confiance dans notre système de justice. Voilà pourquoi l’indépendance judiciaire est importante pour l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens, et non seulement pour les juges.